Quels tabous veut casser Mr Chebel
4 Dhu el kidâ 1427 h / 25 novembre 2006 n
Décidément, il semble que Mr Malek Chebel fait une fixation sur les tabous dans la religion islamique. Il va sans dire que c’est une fixation qui semble tourner à l’obsession. Chaque fois qu’il est sollicité par les médias, pour parler de l’Islâm et des questions qui le concernent, il a recours à la psychanalyse pour tenter d’expliquer ces questions ou de les interpréter selon la vision qu’il a des tabous. Selon lui, les tabous expliquent largement la société musulmane. Rien que cela.
D’abord, on ne sait pas exactement ce qu’entend Mr Chebel à travers cette notion de tabous trop souvent invoquée. Est-ce la pudeur et la décence qui caractérisent la société musulmane ? Est-ce le port du voile par les femmes musulmanes qui vivent leur religion sereinement, n’ayant d’autre préoccupation que de satisfaire le Créateur ? Qu’entend-t-il donc par tabous ? En fait, ce sont les dogmes de l’Islâm qui lui posent problème !
La pudeur, la décence et le voile, semblent déranger notre auteur, puisqu’il a fini par dire dans un entretien accordé au quotidien « Liberté »: « Ce que je veux dire dans ma thèse à moi, et ça je l’ai vérifié, plus on cherche à cacher le sexe, moins c’est efficace. Il vaut mieux le négocier et laisser s’exprimer un peu une tranche, si je puis dire, parce que plus vous le cachez, plus il va être déterminant. Il va être réactif et il va effleurer et déranger tout le monde ».
A notre avis, c’est lui qui fait fixation sur le sexe et non les femmes musulmanes qui veulent tout simplement vivre leur foi avec conviction et discrétion
Mr Chebel prétend expliquer la société musulmane par les tabous, recourant à la psychanalyse qui n’est pas une science exacte et ne peut servir de base pour l’étude d’un fait social à fortiori d’une religion comme l’Islâm. La psychanalyse a été fondée par le Pr Sigmund Freud qui professait l’athéisme. Il est l’auteur d’un livre sur Moïse et le Judaïsme où il affirme son rejet de toute religion. En outre, c’est une « science » qui traite de la libido chez l’être humain, négligeant tous les autres aspects moraux et surtout spirituels qui ne sont pas moins importants. Elle considère l’homme comme formé par la dualité corps-âme, alors que les recherches les plus récentes soutiennent que l’homme est formé d’un corps, d’une âme et d‘un esprit, djasad, nafs, roûh. Telle est la conception des religions révélées.
La psychanalyse ne suffit pas, à elle seule, pour étudier sérieusement le phénomène religieux qui reste un fait très complexe relevant du sacré et du spirituel. L’auteur prétend s’occuper du corps. Or, seul un médecin est en mesure de s’occuper d’un corps malade, ce qu’il n’est pas justement. Cet auteur veut s’ériger à tort en théologien, alors qu’il ne l’est pas, Il s’adonne à des interprétations hasardeuses des textes islamiques dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elles sont complètement erronées. Il se plaint curieusement de ce que des ignorants et des extrémistes interprètent mal l’Islâm sans le connaître vraiment. N’est-il pas entrain de commettre la même erreur, mais d’une certaine façon A vouloir plaire aux médias occidentaux, ne risque-t-il pas de dépouiller l’Islâm de tout ce qui fait sa spécificité ? A force de leur présenter une image déformée de l’Islâm mais qui soit politiquement correcte, ne risque-t-il pas de vider cette religion de sa substance et de la dénaturer ? Un tel risque n’a pas échappé grand penseur musulman Nedjmeddine Bamate : « L’unité entre le spirituel et le temporel, dit-il, est le dernier point de résistance, la dernière ligne de défense à laquelle la communauté musulmane, même dans un état de déchéance, se raccroche. Et le jour où il y aurait séparation du temporel et du spirituel en Islâm, ce serait la fin de l’Islâm. Il y aurait une autre forme de civilisation et de société en terres d’Islâm, mais ce ne serait plus l’Islâm ».
N’en déplaise à ceux qui admirent la civilisation occidentale, l’Islâm est un système harmonieux et cohérent qui n’a pas besoin d’être fragmenté pour s’adapter aux exigences des occidentaux. Les musulmans vivent leur religion avec sérénité et n’ont pas besoin d’une thérapie psychanalyste pour distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais pour eux. Pour tout musulman authentique, l’Islâm est une foi, une spiritualité, une civilisation et un Etat. Lorsque l’émir Abdelkader, par exemple, s’est trouvé dans la nécessité de pratiquer le jihâd pour libérer son pays, il l’a fait sans hésitation ; lorsqu’il s’est trouvé dans l’obligation de bâtir un Etat, il l’a fait en le dirigeant avec les qualités d’un grand homme d’Etat ; lorsqu’il s’est trouvé devant la nécessité de défendre des Chrétiens victimes de persécutions, il l’a fait, par devoir envers sa foi et sa religion ; lorsqu’il a ressenti le besoin de vivre sa foi pleinement, il s’est tourné vers le soufisme et la spiritualité. C’est cela l’Islâm et non ce que veulent lui attribuer les chercheurs subjugués par la civilisation occidentale, à propos desquels le regretté Mohammed Asad (Léopold Veiss) a dit dans son livre « Le chemin de la Mecque » : « Sous l’impact des influences culturelles occidentales, les âmes de nombreux musulmans, hommes et femmes, se ratatinent lentement. Elles se laissent détourner de leur croyance antérieure qui leur faisait considérer qu’une amélioration du niveau de vie ne saurait être qu’un moyen d’améliorer les perceptions spirituelles de l’homme, elles tombèrent dans la même idolâtrie du « progrès » que celle où le monde occidental était lui-même tombé après qu’il eut réduit la religion à n’être plus qu’un tintement mélodieux quelque part à l’arrière plan des faits réels. De la sorte, loin de se grandir, ils se rapetissent, car toute imitation culturelle qui s’oppose, comme on le voit, à la faculté créatrice d’un peuple ne saurait manquer d’en amoindrir la stature ».
En conclusion, il est souhaitable que Mr Malek Chebel se mette à l’étude de l’Islam dans ses sources fondamentales à savoir le Coran, la Sunna et les efforts (ijtihad) des grands savants de l’Islam.
De cette manière, il peut vraiment en présenter une image véritable susceptible de convaincre à la fois les fidèles de l’Islam d’une part et ses adversaires d’autre part.
Sans cela, il risque de mécontenter les premiers et d’induire en erreur les seconds. Comme il s’est déclaré à la fois psychanalyste anthropologue, historien, politologue et enfin…(islamologue), on peut se demander s’il peut raisonnablement embrasser toutes ces disciplines en même temps. Ne vaut-il pas mieux pour lui approfondir une seule discipline et lui consacrer tous ses efforts ?
C’est à cette condition-là qu’il peut être vraiment crédible.
P/ Le Haut Conseil Islamique, le directeur de rédaction de la revue « Les études islamiques ». Alger, le 25/11/2006.
Boudjenoun Messaoud.